Par Florence Guiter
En ville, la zone dite « calme » est portée exclusivement par le Plan de Prévention du Bruit dans l’Environnement (carte d’exposition aux bruits) dans lequel des règles visent à maintenir un espace de bruit modéré. Or, le calme en ville se limiterait-il au seul critère sonore ?
Pour un(e) urbaniste c’est une vision très restreinte de ce qu’est ou devrait être le calme en ville. Réfléchissons… La définition de la notion de zone calme est en devenir. Encore cantonnée à une approche sectorielle de lutte contre le bruit en ville, elle représente une opportunité intéressante de réinterroger la planification urbaine et plus globalement la manière d’élaborer les documents d’urbanisme.
L’élasticité, l’ouverture voire l’imprécision de la définition actuelle de la zone calme laisse « tous les champs du possible ouverts » (CRETEIL 2008). Seule certitude, elle représente un objet du ressort de l’urbain puisqu’il s’agit d’un objet multifactoriel et multisensoriel à l’image de ce qui compose nos villes. Ainsi, la zone calme représente un potentiel d’innovation en matière d’urbanisme – rien n’étant « approuvé », galvaudé ou réglementé il y a encore de la place pour penser un urbanisme de qualité.
La notion de « calme en ville » émerge donc dans un contexte territorial (réglementaire, dogmatique, etc.) marqué par la densification urbaine a priori peu propice, voire contradictoire au calme en ville. « Le calme s’oppose à l’agitation et à la densité des hommes et des activités, symbole de ce qui fait l’urbanité » (CRETEIL 2008). Ainsi, le calme et la ville ne pourraient coexister voire même seraient fondamentalement antinomiques… Plusieurs études et sondages pointent également cet antagonisme et démontrent que la grande majorité des Français plébiscitent la maison individuelle non mitoyenne pour des raisons de « calme » et « d’intimité» (Sondage IFOP sur « le parcours résidentiel des Français »). Or, ce choix résidentiel est à l’origine, en partie, de l’étalement urbain, dynamique contraire à celle de la densification urbaine… en somme le calme est antinomique à la densification : CQFD.
Et pourtant… Adopter une position proactive du calme en ville reviendrait à placer le bien-être des habitants au cœur des processus d’élaboration des documents d’urbanisme… Place aux critères qualitatifs, exit les objectifs quantitatifs qui captent toutes les attentions… oublié le temps perdu à justifier la prise en compte d’obligations réglementaires qui n’ont de cesse d’être réinventés (lois ALUR, LAAF, Macron…).
Replacer le bien-être des habitants au cœur de la planification urbaine… oui mais comment ?
- En démontrant que bien-être et impératif de densité peuvent cohabiter, se valoriser, fusionner au service de la ville dite durable ?
- En élargissant les horizons professionnels de la planification territoriale ? (Sociologue, psychologue, designer urbain, etc. ?)
- En sortant des sentiers souvent trop réglementés des procédures d’urbanisme ?
- En redéfinissant les critères de la planification urbaine ? (Parler avec les personnes publiques associées de bien-être, d’expérience sensible, de santé publique, de réseau de sociabilité ou encore de perception…).
Exemple d’une opération de sensibilisation des habitants aux enjeux d’animation du centre-ville de Châlons-en-Champagne, source: Groupe Citadia
En bref, en introduisant en amont de nos réflexions les conséquences d’un certain « mal-être » ressenti en ville et en campagne par les élus comme les citoyens, en particulier en raison de ces impérieux objectifs de densification (anticiper… ce n’est pas l’essence même de la planification urbaine? On tourne en rond).
Ainsi, l’urbaniste, l’élu, le technicien, l’habitant, … doit (prendre le temps de) chercher (et si possible mettre en application) des concepts innovants, de nouveaux indicateurs qualitatifs (et quantitatifs) en mesure d’accompagner la densification et autres impératifs de la planification urbaine et surtout d’en faciliter l’acceptabilité sociale des citadins… sacré défi !
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