Avec entre autres Lost River de Ryan Gosling, ou Only lovers left alive de Jim Jarmush, Détroit est devenue, depuis quelques années, un magnifique terrain de jeu pour les cinéastes. Filmée comme apocalyptique, la ville y est abandonnée des pouvoirs publics ou de toute forme d’organisation collective. Les personnages vivent dans des maisons délabrées aux allures de squats, errent toute la nuit en voiture, dansent dans des théâtres abandonnés ; le tout dans une esthétique éminemment poétique, qui donne à voir des lieux enchantés et donne envie d’aller visiter Détroit comme une exposition d’art contemporain.

Détroit au cinéma : vers un goût de liberté et de renouveau

Après avoir été le berceau de l’industrie automobile, Détroit a connu depuis les années 1960 un déclin économique progressif, et a été déclarée en faillite en 2013. Shrinking City, ville qui rétrécit, elle est aujourd’hui devenue un symbole de la crise économique occidentale et signe avec elle une certaine mort de la civilisation urbaine.

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A l’instar de Berlin dans les Ailes du Désir de Wim Wenders, le Détroit filmé laisse place à un imaginaire certes empreint de nihilisme et de désespérance, mais aussi d’une grande liberté, laissant à penser que tout est possible, que tout reste à construire. Dans sa « vraie vie » aussi, Détroit cherche à subsister et à se renouveler. Après avoir été bâtie sur les bases d’une économie où les ressources n’étaient pas encore à ce point comptées, la ville regorge d’initiatives citoyennes nouvelles, davantage adaptées au contexte économique, social et environnemental actuel (agriculture urbaine, dépollution des sols, éducation, développement économique et social, réhabilitations du bâti, art).

Du côté des pouvoirs publics, la ville n’est officiellement plus en faillite depuis décembre 2014, la municipalité ayant proposé un plan de renégociation de sa dette.

Et les espaces urbains en crise dans le cinéma français ?

À l’inverse du cinéma américain, le cinéma français semble peu s’emparer des situations urbaines inesthétiques ou en devenir, freinant ainsi un imaginaire et une appropriation de ces espaces par la société. De très nombreux films français actuels se situent dans le cœur de Paris, dans une grande et belle maison à la campagne.

Les grands ensembles, situation urbaine considérée par tout un chacun comme inesthétique, est de temps en temps mise en scène, mais reste la plupart du temps cantonnée à des histoires de banlieue, avec des personnages de banlieue, qui souffrent des problèmes de la banlieue. Ces films, réalistes, insistent sur l’enclavement, l’éloignement de ces quartiers par rapport à la « ville-centre », mais ne réinterprètent pas les espaces, ne permettent pas leur esthétisation et par conséquent leur appropriation affective par le spectateur.

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Le parent pauvre des espaces urbains au cinéma reste assurément le périurbain, ou la grande périphérie, le « tiers espace », bref, la ville pavillonnaire ponctuée de zones commerciales et de ronds-points, là où 24 % des français vivent pourtant. Fustigés par le magazine Télérama en 2010 avec le désormais fameux « Halte à la France moche ! » ; décrits dans toute leur triste banalité par Olivier Adam dans le livre « Les Lisières », ils ont peu fait l’objet d’œuvres cinématographiques, ou alors sont le cadre insignifiant ou burlesque de quelques comédies. Un film a néanmoins su insuffler à ces espaces un brin de luminosité : « Le Grand soir », de Gustave Kervern et Benoît Delépine, sorti en 2012, dans lequel un punk-à-chien vit dans une zone commerciale sur un rond-point. Un pur moment de folie et de poésie décalée.

 

Julie Leroux